La spasticité – Mieux la comprendre, mieux la gérer

La spasticité – Mieux la comprendre, mieux la gérer

La spasticité est une condition associée à plusieurs troubles neurologiques. Chez les blessés médullaires, c’est de 65-78% d’entre eux qui auront des symptômes spastiques durant la première année suite à l’accident(1). Suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), la prévalence est de 4-27% trois mois après l’accident, 19-43% entre 3 à 6 mois, et 20-38% passé le 6 mois(2). Pour la sclérose en plaques, 84% ont des symptômes de spasticité(1). Ce sont des exemples. C’est sans parler de la paralysie cérébrale, des traumatismes crâniens… et j’en passe.

D’accord, et qu’est-ce que c’est, exactement?

C’est une exagération du réflexe ostéo-tendineux. Ce réflexe, nous l’avons tous. Lorsque nous marchons, si notre cheville se tourne involontairement, le corps déclenchera ce réflexe pour contracter les muscles et stopper le mouvement, avant que notre cheville ne tourne au-delà de ce qu’elle peut tolérer. On évite une blessure. Par contre, lorsque ce réflexe devient trop sensible, on parle de spasticité. Lorsque nous tentons simplement d’allonger le bras, et que le corps déclenche en permanence le réflexe pour plier le coude, ça peut devenir problématique. N’en voulez pas à votre corps ; il essaie seulement de vous protéger contre une blessure…
Attention : La spasticité et la rigidité, ce n’est pas la même chose. Le réflexe ostéo-tendineux est déclenché par un mouvement rapide et involontaire ; La spasticité est déclenché par un mouvement rapide aussi. Elle dépend de la vitesse du mouvement. Plus le mouvement est rapide, plus la résistance sera importante. Ce n’est pas le cas avec la rigidité ; La rigidité demeure égale peu importe la vitesse du mouvement. La rigidité est retrouvée dans la maladie de Parkinson, par exemple.

Problématique ?! Tu parles ! Ça fait mal!

La spasticité n’est pas douloureuse dans tous les cas, mais elle peut l’être. Elle peut aussi causer des spasmes (mouvements involontaires) et ainsi nuire à notre équilibre, nous mettre à risque de chute, nous empêcher de bouger comme on le veut, etc. Cela dépend de son niveau. Elle peut être plus ou moins incapacitante, et plus ou moins douloureuse.

D’accord! Maintenant, on fait comment pour s’en débarrasser?

S’en débarrasser? Ce n’est peut-être pas nécessaire. La spasticité peut vous donner un bon coup de main. Elle peut vous donner un meilleur tonus durant vos transferts, ou vous aider à vous tenir debout très droit, même si vos muscles sont très affaiblis. Lorsqu’on diminue la spasticité, on aura alors l’impression d’être affaibli ! On ne veut pas s’en débarasser : On veut la gérer lorsqu’elle devient trop incapacitante ou douloureuse. On veut diminuer ses impacts négatifs, sans se priver de ses bénéfices.

Parfait alors : Comment fait-on pour gérer la spasticité?

Ce ne sont pas les choix qui manquent. Plusieurs études sont disponibles sur le sujet :

Médication : Le médecin pourrait vous prescrire une médication à prendre de manière orale, soit le baclofen ou la tizanidine, les deux molécules qui ont démontré des résultats. Si vous présentez une paraplégie, le baclofen peut également être administré au moyen d’une pompe(3)
Aussi, l’injection de Botox (toxine botulinique) a fait ses preuves, notamment pour la sclérose en plaques (4), et pour les AVC, quelques mois après l’accident (5). Il faut être prudent ; traiter la spasticité trop tôt après l’AVC peut nuire à la récupération (3).

Le cannabis: Le cannabis semble présenter une diminution de la spasticité et des spasmes, avec des effets variables d’une personne à l’autre, et certains effets secondaires, chez les gens souffrant de sclérose en plaques ou de paraplégie (1). C’est une avenue intéressante, et d’actualité, puisque la légalisation est à nos portes. Nous en parlerons ensemble plus en détails dans un des blogues du mois de décembre.

L’accupuncture : L’accupuncture et l’électro-accupuncture ont également été évalués; Des effets positifs ont été retrouvés dans des données préliminaires, auprès de la clientèle post AVC seulement (6)(7)

La stimulation fonctionnelle électrique : Les fameuses électrodes qui font contracter nos muscles. On dit “fonctionnelle” car elles sont utilisées sur un mouvement réel, comme sur le vélo, ou encore sur le robot de marche. Comment le fait de faire contracter nos muscles peut diminuer la spasticité? Les auteurs Stein et al. (2015)(8) relatent que cela pourrait s’expliquer par une augmentation d’ativation des fibres musculaires, une action sur l’inhibition des muscles antagonistes (ce qui se produit quand on n’arrive pas à faire le mouvement désiré à cause du spasme) et sur l’augmentation su stimuli sensoriel au niveau de la peau. Trouvé efficace notament pour les AVC(8), mais aussi pour les blessés médullaires, et bien d’autres conditions neurologiques.

Les machines de “whole body vibrations” (vibration du corps entier) : En gros, il s’agit d’une plateforme sur laquelle on se tient debout. Elle soumet notre corps à des vibrations. Des effets bénéfiques ont été trouvés chez les gens souffrant de paralysie cérébrale(9). Pour les blessés médullaires, les effets semblent être de courte période seulement(10). Les effets sur les autres conditions n’ont pas été prouvés.

Les mouvements passifs :

Ensuite, dans les traitements un peu plus récents et ayant été moins testés, il y a le mouvement passif par robot-thérapie. Suite à des traitements de mobilisations passives avec un robot pour le bras, les participants ont démontrés une diminution de spasticité dans l’avant bras et les doigts(11). Il en est de même avec les exosquelettes : Les participants blessés médullaires ont dit ressentir moins de spasticité et d’inconfort associé suite à des séances de marche sur exosquelette(12). Plus accessibles, les vélos motorisés qui fournissent un mouvement passif ont des effets similaires(13)

Thérapie par contrainte induite (de l’anglais “constraint-induced movement therapy”) : Utilisé surtout chez les gens ayant subi un AVC, il s’agit de restreindre les mouvements du bras sain, et d’utiliser surtout le bras atteint pendant 6 heures par jours, cinq jours par semaines pour 2 semaines. En plus d’avoir un effet sur la spascitié, cette technique apporte également des gains au niveau des aptitudes motrices – On utilise mieux notre bras atteint(14)

Oui, c’est bien beau ! Mais moi, qu’est-ce que je peux faire?

Les programmes d’exercices (surtout d’étirements) semblent avoir un bel effet. Cependant, ceux-ci sont plus efficaces avec une consultation. Discuter, choisir les exercices qui nous conviennent le mieux, avoir des conseils pour les adapter: cela fait une grosse différence, par rapport à quelqu’un qui essaie de démêler lui-même, seul, les documentations disponibles(15)

Sinon, peu d’informations sont disponibles à savoir ce qu’une personne peut faire elle-même pour diminuer la spasticité! Sachant que le réflexe est déclenché par la rapidité du mouvement, opter pour des mouevments amples et lents semble être un conseil à ne pas oublier. Commencer par des mouvements le plus lent possible, et augmenter très, très graduellement la vitesse. Est-ce que des activités comme le tai-chi seraient alors bénéfqiues ? Aucune étude n’a été faite sur ses effets. Quant à sa faisabilité, il semblerait que lorsque la spasticité est trop importante (chez les gens post AVC), il devient impossible à pratiquer(16). Le yoga semble aussi avoir un certain impact (chez les gens ayant la sclérose en plaques), mais il demeure à établir clairement(17).

Le travail d’équipe Sinon, les gens parleront de s’hydrater adéquatement, d’éviter les infections, de respirer par le nez… Eh, rien n’est magique ! Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on a souvent besoin d’un regard d’équipe sur ce problème, et, bien souvent, d’essyer plusieurs formules avant de trouver celle qui est gagnante avec nous. Il ne faut pas rester seul avec sa spasticité!

Vous voulez en savoir plus ?
Bibliograpie

(1)da Rovare, V. P., Magalhães, G. P., Jardini, G. D., Beraldo, M. L., Gameiro, M. O., Agarwal, A., & … El Dib, R. (2017). Cannabinoids for spasticity due to multiple sclerosis or paraplegia: A systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials. Complementary Therapies In Medicine, 34170-185. doi:10.1016/j.ctim.2017.08.010
(2)Katozian, L., Tahan, N., MohseniBandpei, M. A., & JamBarsang, S. (2015). Spasticity following Stroke: A Systematic Review and Meta-analysis. Journal Of Mazandaran University Of Medical Sciences (JMUMS), 25(123), 232-247.
(3)Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (2011), Recommandations de bonnes pratiques : traitement médicamenteux de la spasticité, https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/9771c86bf98d7af854c30b202846ab35.pdf
(4)Baker, J. A., & Pereira, G. (2016). The efficacy of Botulinum Toxin A for limb spasticity on improving activity restriction and quality of life: A systematic review and meta-analysis using the GRADE approach. Clinical Rehabilitation, 30(6), 549-558. doi:10.1177/0269215515593609
(5)Wu, T., Li, J. H., Song, H. X., & Dong, Y. (2016). Effectiveness of Botulinum Toxin for Lower Limbs Spasticity after Stroke: A Systematic Review and Meta-Analysis. Topics In Stroke Rehabilitation, 23(3), 217-223. doi:10.1080/10749357.2016.1139294
(6)Sung Min, L., Junghee, Y., Euiju, L., Hyun Jung, K., Seungwon, S., Gajin, H., & Hyeong Sik, A. (2015). Acupuncture for Spasticity after Stroke: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Evidence-Based Complementary & Alternative Medicine (Ecam), 1-12. doi:10.1155/2015/870398
(7)Cai, Y., Zhang, C. S., Liu, S., Wen, Z., Zhang, A. L., Guo, X., & … Xue, C. C. (2017). Electroacupuncture for Poststroke Spasticity: A Systematic Review and Meta-Analysis. Archives Of Physical Medicine And Rehabilitation, doi:10.1016/j.apmr.2017.03.023 ¨
(8)Stein, C., Fritsch, C. G., Robinson, C., Sbruzzi, G., Méa Plentz, R. D., & Plentz, R. M. (2015). Effects of Electrical Stimulation in Spastic Muscles After Stroke: Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Stroke (00392499), 46(8), 2197-2205. doi:10.1161/STROKEAHA.115.009633
(9)Duquette, S. A., Guiliano, A. M., & Starmer, D. J. (2015). Whole body vibration and cerebral palsy: a systematic review. Journal Of The Canadian Chiropractic Association, 59(3), 245-252.
(10) Sadeghi, M., & Sawatzky, B. (2014). Effects of Vibration on Spasticity in Individuals with Spinal Cord Injury. American Journal Of Physical Medicine & Rehabilitation, 93(11), 995-1007. doi:10.1097/PHM.0000000000000098
(11)Gobbo, M., Gaffurini, P., Vacchi, L., Lazzarini, S., Villafane, J., Orizio, C., & … Bissolotti, L. (2017). Hand Passive Mobilization Performed with Robotic Assistance: Acute Effects on Upper Limb Perfusion and Spasticity in Stroke Survivors. Biomed Research International, 1-6. doi:10.1155/2017/2796815
(12)Stampacchia, G., Rustici, A., Bigazzi, S., Gerini, A., Tombini, T., & Mazzoleni, S. (2016). Walking with a powered robotic exoskeleton: Subjective experience, spasticity and pain in spinal cord injured persons. Neurorehabilitation, 39(2), 277-283. doi:10.3233/NRE-161358
(13)Kakebeeke, T., Lechner, H., & Knapp, P. (2005). The effect of passive cycling movements on spasticity after spinal cord injury: preliminary results. Spinal Cord, 43(8), 483-488.
(14)Siebers, A., Öberg, U., & Skargren, E. (2010). The effect of modified constraint-induced movement therapy on spasticity and motor function of the affected arm in patients with chronic stroke. Physiotherapy Canada, 62(4), 388-396.
(15)Hugos, C.L. Bourdette, D. Chen, Y. Chen, Z. Cameron, M. (2017) A group-delivered self-management program reduces spasticity in people with multiple sclerosis: A randomized, controlled pilot trial, Mult Scler J Exp Transl Clin. 2017 Mar 23;3(1):2055217317699993
(16)Pan, S. Kairy, D. Corriveau, H. Tousignant, M. (2017) Adapting Tai Chi for Upper Limb Rehabilitation Post Stroke: A Feasibility Study. Medicines (Basel). 2017 Sep 30;4(4). pii: E72. doi: 10.3390/medicines4040072.
(17)Rogers, K.A. MacDonald, M. (2015) Therapeutic Yoga: Symptom Management for Multiple Sclerosis. J Altern Complement Med. 21(11):655-9. doi: 10.1089/acm.2015.0015. Epub 2015 Aug 13.